J’ai récemment fait la découverte d’un très célèbre poète que je ne connaissais que de nom. Il s’agit de Guillaume Albert Vladimir Alexandre Apollinaire de Kostrowitzky, alias Guillaume Apollinaire.
J’ai en fait plutôt découvert la poésie avant-gardiste, et en parallèle la peinture cubiste. Ce n’est en réalité pas tellement nouveau, disons que n’ayant pas les clés et les explications pour comprendre ce renouveau artistique, cela ne m’intéressais pas… Je ne trouvais pas ça très beau et bien souvent n’y comprenais rien !
Cependant, à la lecture puis à l’analyse de certains poèmes d’Apollinaire, je suis tombée sous le charme des images et des procédés épurés du poète. Cette forme de poésie demande, je pense, plus de réflexion et d’interprétation personnelle pour véritablement comprendre le poème que l’on choisit. C’est en fait plein de sous-entendus et je dois avouer qu’il m’a fallut plusieurs lectures, du temps et parfois des explications extérieures pour percevoir le message du poète ou ses intentions.
Ce que j’aime donc le plus dans la poésie d’Apollinaire, c’est ce jeu auquel le lecteur doit se prêter afin de desceller le sens caché du poème, encore plus qu’à la lecture d’un recueil de poésie romantique ou d’un autre courant. (je répète que je ne suis pas experte DU TOUT en la matière…)
J’aime aussi beaucoup l’usage qu’il fait de thèmes traditionnels qu’il parvient à rendre “modernes”, à traiter d’une autre manière, inédite et qui semble pourtant encore plus poétique. Il était de ces artistes du début du siècle après la seconde révolution industrielle qui ne blâmaient pas les innovations technologiques et le progrès. Dans une conférence sur “l’Esprit nouveau”, il définit ce que sont selon lui les poètes modernes :
“L’esprit nouveau est celui du temps même où nous vivons. Un temps fertile en surprises. Les poètes veulent dompter la prophétie, cette ardente cavale que l’on n’a jamais maîtrisée.
Ils veulent enfin, un jour, machiner la poésie comme on a machiné le monde. Ils veulent être les premiers à fournir un lyrisme tout neuf à ces nouveaux moyens d’expression qui ajoutent à l’art le mouvement et qui sont 1e phonographe et le cinéma. Ils n’en sont encore qu’à la période des incunables. Mais attendez, les prodiges parleront d’eux-mêmes et l’esprit nouveau, qui gonfle de vie l’univers, se manifestera formidablement dans les lettres, dans les arts et dans toutes les choses que l’on connaisse.”
C’est d’ailleurs une idée que l’on retrouve dans l’innovation picturale de la même époque. L’idée est de se détacher des traditions, du respect des règles académiques. On veut peindre le monde actuel, le monde de l’industrie et de l’urbanisation, un monde où tout s’accélère, ou tout s’anime. C’est pourquoi la peinture qui est habituellement une représentation de l’instantané cherche à représenter le mouvement, à juxtaposer plusieurs points de vue d’un même élément… Elle est de plus rattrapée par la photographie et doit innover pour perdurer.
Le Pont Mirabeau
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine.
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913